Franchement, la question, elle pique. Qui est-ce qu’on entend vraiment dans les médias ? Qui est invité·e à donner son avis sur un plateau télé, cité·e dans un article ou interviewé·e dans une étude ? Si vous vous amusez à compter, comme l’ont fait plusieurs collectifs féministes ou observatoires des médias, la réponse est assez brutale : ce sont encore largement des hommes.
Et pas n’importe quels hommes : souvent blancs, souvent issus des mêmes grandes écoles, avec les mêmes lunettes rectangulaires et le même ton « je sais tout mieux que tout le monde ». Pendant ce temps-là, la parole des femmes – et surtout des femmes racisées, précaires, invisibles – elle galère à percer. C’est d’ailleurs pour ça que des ressources comme https://www.annuaire-au-feminin.net existent : pour mettre en avant des expertes, des chercheuses, des professionnelles qu’on oublie trop souvent. Oui, elles existent. Non, elles ne sont pas « introuvables ».
Des chiffres qui claquent… et qui font mal
Allez, un chiffre pour situer : en 2022, à la radio et à la télé, seuls 39 % des experts invités étaient des femmes. Et quand on regarde les « grands débats » ou les analyses politiques, on descend encore plus bas. En gros, quand il s’agit d’analyser la géopolitique, l’économie ou la science, on invite « les vrais », et ces « vrais », devinez quoi ? Ce sont rarement des femmes.
Perso, je me souviens d’un moment super révélateur : un débat sur France 5, autour du féminisme justement… avec cinq hommes autour de la table. Sérieusement ? Même quand on parle des femmes, on ne les invite pas ?
Pourquoi on n’entend pas (assez) les femmes ?
Il y a plein de raisons, et elles sont souvent liées entre elles. Déjà, les journalistes eux-mêmes vont chercher ce qu’ils connaissent. Ils ont leur petit carnet d’adresses, leurs « bons clients ». Résultat : les mêmes experts reviennent en boucle. Et si tu n’es pas dans ce cercle-là, bon courage pour t’y faire une place.
Ensuite, il y a l’autocensure. Beaucoup de femmes qu’on contacte pour intervenir déclinent. Pourquoi ? Parce qu’elles ne se sentent pas légitimes, ou qu’elles ont déjà vécu des moments pourris à l’antenne. Des interruptions, du mansplaining, voire des insultes sur les réseaux après coup. Tu parles d’un cadeau.
Et puis il y a la question du temps. Le temps de préparer une interview, de poser ses idées, de s’exposer aussi. C’est pas évident quand tu bosses à temps plein, que tu élèves des enfants ou que tu dois déjà prouver mille fois ta compétence dans ton job.
La recherche, même combat ?
Eh oui. Dans la recherche aussi, la parole des femmes est moins visible. Moins de femmes invitées dans les colloques, moins de publications signées par elles, et encore moins citées dans les bibliographies. C’est un peu le serpent qui se mord la queue : si tu n’es pas citée, tu restes invisible. Et si tu es invisible, on ne pense pas à toi pour les projets ou les panels.
Je me rappelle d’une chercheuse en sociologie, brillante, qui m’avait dit un jour : « J’ai passé mon début de carrière à faire tourner les colloques sans jamais être dans le programme. » Tout était dit.
Qu’est-ce qu’on peut faire, concrètement ?
Bon, râler c’est bien, agir c’est mieux. Alors voilà quelques pistes, simples mais efficaces :
- Élargir son réseau : journalistes, cherchez activement des expertes en dehors de votre cercle habituel. Les annuaires féminins sont là pour ça.
- Former à la prise de parole : proposer des formations, du coaching média, du soutien. Tout le monde n’est pas à l’aise face à un micro ou une caméra, et c’est OK.
- Rendre compte publiquement : pourquoi pas afficher la parité dans les panels, les colloques, les émissions ? Un petit « compteur » visible, ça force à réfléchir.
- Créer ses propres espaces : podcasts, blogs, chaînes YouTube portés par des femmes expertes, militantes, chercheuses… et qui ne s’excusent pas d’exister.
Et toi, tu tends l’oreille à qui ?
Parce qu’au fond, la question, elle est aussi là : à qui tu donnes de l’attention ? Qui tu lis, qui tu cites, qui tu likes ? Est-ce que tu fais l’effort, même petit, de diversifier les voix que tu écoutes ?
Moi, j’essaie. Parfois je me plante, je retombe sur les mêmes têtes. Mais j’apprends. Et surtout, j’essaie de ne plus confondre visibilité et légitimité. Parce que franchement, ce n’est pas parce qu’on n’entend pas une voix qu’elle n’a rien à dire.
Alors la prochaine fois que tu entends un « il n’y a pas de femmes expertes dans ce domaine », pense juste à cette phrase : cherche mieux.